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Qui peut rappeler nos élus à l’ordre?

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Un politicien de Rodrigues aurait était rappelé à l’ordre par la police

Selon la rubrique publiée par l’Express, le politicien serait sorti pour s’assurer que les Rodriguais respectaient bien le confinement durant le « Total lockdown ». Les policiers qui l’ont contrôlé ont été magnanimes, le politicien de Rodrigues s’en est sorti avec une remontrance où les policiers lui ont fait comprendre qu’il revient à la police de faire respecter la loi, pas aux politiciens. A Maurice, des avocats se sont fait verbaliser pour n’avoir pas respecté le « Curfew order » en se rendant aux casernes centrales pour assister leurs clients.

Est-ce la même police à Maurice ? Lorsque l’on sait qu’un marchand (marron) de légumes peut faire intervenir ses contacts politiques afin de pouvoir récupérer ce que la police lui a saisi ?

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C’est avec cette rubrique en guise d’introduction que je vous propose de revisiter ce qui a été au cœur des débats politiques alors que l’ombre de la menace du COVID-19 planait déjà sur notre territoire. Comment la sphère politique a-t-elle réagi et surtout comment a-t-elle défendu nos intérêts pendant ces temps de crise ?

La dernière session parlementaire avant le confinement a commencé par des remerciements à l’adresse du leader de l’opposition qui avait bien voulu renoncer à son temps de parole.  Le Dr. A. Boolell qui avait pourtant auparavant posé à plusieurs reprises des questions sur la planification et la préparation en anticipation de la crise sanitaire, sans obtenir de réponse satisfaisante. Du côté du gouvernement, l’hypothèse d’un confinement n’avait jamais été évoquée avant le 19 mars 2020. En en ce qui s’agit de la question des solutions envisagées concernant l’assistance nécessaire,  le Dr A. Boolell a demandé si le gouvernement avait prévu: « direct financial assistance to retrenched employees and families most affected by economic hardships ». Le gouvernement n’avait pas parlé de « Wage Assistance Scheme » à ce moment-là. 

Rappelons que le 3 février 2020, dans un contexte où le « World Health Organisation (WHO) » a placé le monde en alerte, le ministre de la santé n’a proposé d’autres mesures concrètes que celles-ci :

  1. la prise de température à l’arrivée et au départ de / vers la Chine.
  2. le suivi des touristes à partir d’informations saisies dans un document rempli par les passagers eux-mêmes.

La fermeture des frontières mauriciennes n’était pas d’actualité.

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Pendant le mois de janvier plus de 100,000 touristes sont venus à Maurice dont 20% de Chinois. Pourtant le Dr. Jagutpal répond avec aplomb que toutes les mesures de surveillance, de sécurité et de sauvegarde ont été renforcées par son ministère depuis la première alerte lancée par les autorités chinoises. Peut-être pensait-il être rassurant en ajoutant que tous les touristes chinois seraient systématiquement sous surveillance pendant 14 jours !

Cette dernière session parlementaire dura en tout et pour tout 17 minutes.

On est en droit de se demander si le Dr A. Boolell a manqué une occasion d’obtenir des réponses, ou alors peut-être savait-il déjà suite à l’entretien qu’il avait eu avec le PM, que le plan serait improvisé au fur et à mesure ? Surtout que des questions restées sans réponses se sont révélées pertinentes pour les Mauriciens durant le confinement, que ce soit pour le secteur informel ou pour l’aide aux PME. 

Le Dr. A. Boolell rappelle lors de la deuxième session parlementaire qu’il n’y a pas eu de distribution de masque N95 au personnel travaillant aux points d’entrées dans le pays, pas de tenue de protection, ni de lunette de protection, encore moins d’ambulance pour les bateaux de croisière. Il relève même qu’il doit y avoir des porteurs du virus qui se sont mélangés à la population.

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La réponse du ministre de la santé, fut la suivante: « Mr Speaker … whenever there is a pandemic outbreak; …Do you know that more than 3,000 passengers have been under surveillance for the last one month?” Dans sa réponse. le Dr. Jagutpal demande au leader de l’opposition de lui indiquer où se trouvent ces cas qu’il rapporte, s’il le sait ! Mais il insiste surtout sur le fait que c’est un délit de ne pas remplir correctement son « immigration card » destinée à son ministère, comme si une telle menace aurait pu empêcher le patient zéro d’entrer sur le territoire mauricien.

Le ministre de la santé nous donne également le chiffre de 3000 passagers faisant l’objet d’un suivi par les officiers de son ministère. Ainsi le numéro 1 de la santé à l’île Maurice se voulait rassurant en avançant que c’est une offense que de ne pas remplir sa « yellow card ». Dans le même temps, il fait confiance à 30,000 touristes chinois qui ont foulé le sol Mauricien pendant le mois de janvier 2020, pour donner correctement les informations requises en anglais.

On est à ce moment-là le 3 février 2020 et d’après ce plan d’expansion de l’épidémie disponible sur le site de la WHO, la Grande-Bretagne est déjà touchée

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L’ironie du sort veut que le patient zéro soit arrivé de Grande-Bretagne le 7 mars 2020, soit plus d’un mois plus tard.

La politique, c’est prévoir

« La fermeture des frontières avec certains pays sera dangereuse pour Maurice. Le Premier ministre, Pravind Jugnauth, l’a souligné mercredi à son bureau, la situation est grave et pourrait devenir catastrophique si Maurice fermait ses frontières avec la France. Plusieurs secteurs en souffriront. Avec les fermetures déjà effectuées, le nombre de voyageurs qui visitent Maurice diminue. » C’est ce qu’écrit un journaliste du journal ‘Le Défi Quotidien’ à propos des déclarations du Premier Ministre le 5 Mars 2020.

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C’est avec ce regard que notre Premier Ministre contemplait nos difficultés à venir par rapport à la crise mondiale du COVID-19. Cette vision étriquée se confirme avec les décisions  qui suivront dans le document du « Cabinet decision du 13 Mars 2020 », l’Etat considère qu’il est de bonne augure d’offrir un rabais sur les billets d’avion pour les touristes britanniques. Pour bien se préparer à se protéger de la pandémie notre gouvernement décide de baisser les prix des billets d’avion de la compagnie aérienne nationale « dont nous connaissons depuis toujours les difficultés financières » et cela pour soutenir le secteur touristique. Une décision qui bien sûr s’impose au « Board of Directors » d’Air Mauritius.

Donc le 13 Mars 2020, le gouvernement décide que les billets d’avion d’Air Mauritius subiront une baisse de 50% pour les destinations suivantes : l’Afrique du Sud, l’Australie, le Royaume Uni et l’île de la Réunion et qu’en plus, les touristes seront exemptés du « passenger fee ». Malheureusement, le patient zéro arrivé le 7 Mars 2020 n’aura pas bénéficié de cette ristourne.

Toujours dans le cadre de la planification préparatoire pour la crise du COVID-19, le Ministre de l’Economie parlera dans sa réponse au leader de l’opposition en date du 16 Mars 2020 de mesures innovantes qui consistent en Rs 8 milliards (Md) provenant des institutions publiques principalement de la banque de Maurice et la « State Investment Corporation » et de Rs 1 Md puisé dans le Consolidated Fund. Le grand argentier considère les Rs 8.5 Md qu’ont coûtés les promesses électorales incluant la pension de vieillesse, le salaire minimum et les allocations pour les plus vulnérables font également partie du « plan de soutien » nécessaire dans le cadre de la pandémie du COVID-19.

Pour bien comprendre l’état des finances publiques, il suffit de revenir au budget 2019-2020, qui entre autre, ne prévoyait ni de salaire minimum à Rs 10,200, ni de hausse de la pension de vieillesse. Si l’on considère que ces cadeaux électoraux ne faisaient pas partie du budget 2019/2020 évalué à Rs 123.7 Md, il a bien fallu que cet argent soit pris quelque part. Ce qui nous laisse à penser que les Rs 8.5 Md supplémentaires ont en réalité été empruntés au prochain budget de 2020-2021.

Dans la situation financière actuelle, notre gouvernement et son ministre des finances auront tout le loisir de démontrer leur sens de l’innovation, car les mesures préconisées avant le confinement ne collent pas vraiment à la réalité qui nous attend à la sortie du confinement.

Le 1er Mai 2020,  Mr. Padayachi, notre ministre des finances, a annoncé qu’il y aura une centaine de milliers de chômeurs d’ici la fin de l’année 2020. Dans ce cas, est-ce que sa stratégie dévoilée le 16 Mars 2020 tient toujours la route ? Pour rappel, voilà ce qu’il disait : «Nous avons mis sur la table Rs 8,5 Md à travers la hausse de la pension, à travers la hausse du salaire minimum, à travers la hausse des aides pour les plus vulnérables, cela pour soutenir la demande. Maintenant, nous sommes en train de travailler pour soutenir l’offre. C’est ça l’économie, d’un côté on soutient la demande et de l’autre, on soutient l’offre ».

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Monsieur le Ministre des finances, allez-vous continuer à soutenir l’offre alors qu’il y aura plus de 100,000 chômeurs dans nos rues d’ici la fin de l’année ?

D’autant plus que la stratégie qu’il a proposée pour soutenir l’offre concerne principalement les grands exportateurs entre l’annulation des « Port Charges » et le « Freight Rebate Scheme » pour les exportateurs sucriers, de textile, de produits de la mer (frais et surgelé) et les exportateurs de « processed food ». Les grandes compagnies qui vont en bénéficier sont celle listées comme des « EPZ Operators », toutes celles dans le « Free port » mais encore des groupes comme CIEL et la CMT, exportateurs de textile ou encore Omnicane pour le secteur cannier. Très peu de PME bénéficieront des 8 milliards que prévoit ce plan. Concrètement, comme l’on peut s’en rendre compte dans les «  hansard », en argent liquide et disponible, le gouvernement n’a prévu qu’un seul milliard selon les dires du Ministre des Finances en date du 16 Mars 2020. Tout porte à croire que rien n’a été prévu sauf qu’il serait possible de faire appel au « Estimates of Supplementary Expenditure (ESE) ». C’est ce qu’a répondu le grand argentier, en d’autres mots, on peut comprendre : Je vais emprunter à l’année 2021.

Le souhait formulé par le Ministre des finances est en réalité très inquiétant : « Notre philosophie est d’aider les plus vulnérables et de transformer notre dette en dette locale. » Lorsque la dette devient locale, ce sont les contribuables qui souffrent déjà d’une perte de pouvoir d’achat, qui devront rembourser la dette.

Une dette qui résulte de dépenses, de promesses électorales, de billets d’avion réduits à 50% de leur prix initial, de cadeaux sous formes d’exonérations qui s’amoncellent sur l’addition.

Pour rappel la MRA a révélé récemment que plus de 100 milliards de Roupie se trouvaient à l’étranger. Ceux qui ont la chance de compter des économies dans ces 100 milliards ne font pas partie des petits contribuables, des PMEs ou encore de la catégorie des travailleurs du secteur informel. Est-ce que ce sera encore une fois aux plus faibles, aux plus démunis et à ceux qui luttent déjà pour survivre de faire des sacrifices ?

Les solutions sont simples, néanmoins aucun politicien traditionnel n’ose le dire, il faut que l’argent aille aux PMEs, aux chômeurs et aux initiatives qui réduisent la dépendance de Maurice à l’importation. Il est évident que les politiciens traditionnels ne peuvent se fâcher avec leurs sponsors, les gros portefeuilles, pas seulement parce qu’ils ont besoin d’argent pour les élections, mais aussi parce qu’ils ne connaissent pas d’autre solutions que celles du néolibérale qui soutient qu’il faut protéger la croissance et non pas le bien-être.               

Le samedi 25 Avril, Mr. P. Berenger déclare : « refuse de donner les renseignements dont a besoin la population pour qu’elle puisse prendre les précautions nécessaires ». Pourtant n’ayant pas les informations nécessaires il affirme qu’il est préférable que le confinement soit levé au plus tôt tout en protégeant la population du danger. J’espère que ces vœux pieux seront entendus. Toutefois il demande plus de transparence, n’est-ce pas en rajouter une couche ? Il est notoire que le gouvernement à fait du manque de transparence une stratégie de gestion de l’épidémie à Maurice, nous savons ce qui est arrivé à Top Fm, nous savons que le syndicat des médecins demandait de l’aide alors que le Ministre de la santé disait que les «Front liners » ne manquaient de rien. Venir demander de la transparence et en même temps dire qu’il faut un déconfinement, n’est-ce pas une demande utopique ?

Le Dr A.Boolell est lui aussi d’accord avec les plan du PM pour un déconfinement progressif à partir du 15 Mai jusqu’au 1 Juin 2020. Il précise qu’il faut que cette décision soit accompagnée de protocole sanitaire à adopter. A moins qu’il ne soit dans les secrets de la cuisine, n’aurait-il pas été pertinent de demander publiquement que le Ministre des Finances explique avec précision sa stratégie économique à venir. Comment compte-t-il soutenir les travailleurs du secteur informel et les milliers de chômeurs à la charge du « Workfare Programme » ? Prenant en considération que le « Workfare program » disposait d’un fond de 450 millions avant le confinement…

Ne pensez-vous pas que la population est en droit de s’attendre à mieux que cela de la part de leurs élus? Il ne faut pas oublier que les travailleurs verront pour beaucoup leurs rémunérations revues à la baisse, lorsque ce ne sera pas carrément le chômage qui les attend. Pendant ce temps nos élus vont à tatillon pour faire entendre nos difficultés. Les membres de l’opposition demandent des plans et de la transparence à un gouvernement qui n’en a jamais fait preuve. Dans un élan de générosité nos élus ont décidé de contribuer 10% de leur salaire pour le Covid-19 Fund pendant que la classe des travailleurs souffrira de voir sa rémunération réduite de moitié sous peine de perdre ses emplois en cas de refus.     

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Ivor Tan Yan
Négociateur et militant engagé | « Détenteur d’un Master en Droit obtenu à l’Université Lumière de Lyon en France, Ivor Tan Yan est engagé dans la lutte pour les droits des travailleurs. Il a également participé activement dans le combat contre la carte biométrique en 2014 et le combat écologique mené par le « Kolektif Ekolozik Albion » pour la préservation d’Albion et de Pointes-aux-caves. Il est également engagé dans le combat contre la corruption auprès de l’organisation « Youth Against Corruption ». Sur la scène politique, c’est comme secrétaire général du parti 100% Citoyens qu’il promeut le mauricianisme comme solution politique pour une meilleure société mauricienne. »

1 COMMENTAIRE

  1. Ministres et députés qui n’ont rien produit de positif comme bilan.

    Ne pas commettre la même bêtise, de leur donner un deuxième ou troisième mandat.

    Et protester contre des nominations d’ambassadeurs et autres

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